Je vous avais fait la version courte : http://onlinexav.fr/tri/news/hawaii-2017-cest-parti/ mais beaucoup m’ont réclamé la version longue, la voici :
Apres 2013, 2015, ce troisième opus, Hawaii 2017, marque la fin d’un cycle commencé plus d’un an au préalable.
Septembre 2016, après 2 ironmans compliqués suite à une main cassée, je me lance accompagné de Pierre Massoneau sur un projet Hawaii 2017 qui passe par une qualif sur Cozumel fin novembre 2016. Le premier jalon est franchi avec succès, et nous planifions une saison 2017 remplie de Half Ironman, afin de garder du jus pour la fin de prépa et terminer avec un bel Hawaii, objectif rentrer dans le top100.
La saison se passe vraiment bien, de nombreux podiums et réussite sur quasiment toutes les courses régionales ou label IM. Mais une épaule et un tendon d’achile qui me rappellent à l’ordre régulièrement m’empéchant de trop charger.
Durant l’été, en plus du reste, nous reprenons avec Delphine le pilotage du Team, ce qui n’a pas simplifié notre organisation. Mais le projet nous plait, l’équipe est top, on fonce.
J’aborde donc ce Kona une saison assez longue, mais pas tant d’entrainement que cela. Plutot 8/12h semaine que 12/17h.
C’était aussi un projet familiale, faire découvrir ce lieu magique, l’ambiance de la course, notre rêve américain à nous. Du coup, se sont glissés dans mes valises mes 2 parents, et ma fille.
L’avant course :
Stress, fatigue et sollicitation au pays du triathlon
On qualifiera cette avant course de chaotique, beaucoup d’énergie perdue lors du voyage : quasiment 3 jours de transit sans beaucoup dormir, beaucoup de stress à cause de ces problemes d’Esta, mais il était hors de question de partir sans ma fille, ni de ne pas partir. Les jours sur place précédents la course ont aussi été prenant : rencontre partenaire, shootings photo, gestion du décalage horaire. Et je ne vous parle pas d’un mois de septembre chargé au boulot, ni de la journée porte ouverte au boulot, la veille du départ. Mais bon, je fais tout ça avec plaisir, je ne vais pas m’en plaindre.
Mais Kona c’est aussi ça, the place to be, l’occasion unique de discuter Home Trainer avec Sanders chez skechers’s house, de rencontrer les gars du product developpement de chez Vision ou FSA ou encore de rouler sur une autoroute, défiler sous les couleurs française avec Viennot et Chevrot et un tas d’amateurs français. Bref, Kona c’est aussi la fête, la Mecque du triathlon.
Parmi les aléas d’avant course : y’a eu aussi ma montre Garmin qui rend l’âme la veille de la course : impossible de la recharger. Je m’en fais prêter une au dernier moment. Mais un peu galère de tout reparamétrer quand meme, du coup, je n’ai aucun temps de passage sur le marathon.
La course :
Dernier repas la veille 13 heures avant le départ, nickel, petite nuit avec 5 heures de sommeil.
Levé 4h15, départ en voiture 5h15, je suis opérationnel à 6h30, et je peux faire un vrai échauffement natation.
Swim :
Une marée humaine dans une mer bien formée
7h05, cela fait 10min que j’attends sur la ligne du départ comme près de 2000 autres athlètes, la tension est bien là, on n’y est, le speaker chauffe l’ambiance et le traditionnel coup de canon marque le départ d’une longue journée. Cela commence par une belle bataille aquatique, je trouve que je glisse plutôt bien, j’ai pris l’option tri fonction manche courte du début à la fin.
Je prends juste un bon coup de coude à mis parcours qui m’entame, bien comme il faut, l’intérieur de la joue, pas grave, ça saigne, ça pique un peu, mais ça repousse vite ces parties, et le petit gout de sang dans la bouche, c’est toujours bon pour la motivation! J’ai l’impression de bien nager, bilan 1h07, 1029ieme … meme temps, meme classement qu’en 2013, cool, je ne vieillis pas … mais je ne progresse pas non plus ! Pour me consoler, il y avait 500 participants de plus qu’en 2013 et la mer était bien formée !
Bike :
Une remontée gérée, mais tronquée
La transition se passe sans probleme, j’enfile comme prévu des manchons sur les bras et sur les mollets. Inhabituel, mais ça vaut bien une explication. (Merci Arnaud pour l’inspiration, et BV pour les produits) . J’y ai trouvé 4 objectifs :
- compression et gainage : meilleure perception neuromusculaire, et meilleur retour veineux
- protection contre le soleil, ici, moins on expose de cm2 de peau, mieux on se porte (n’est ce pas !)
- effet rafraichissant : possibilité de mouiller ces parties, sur les bras, durant la course à pied pour maintenir le corps au frais
- aérodynamisme : le tissu va plus vite que la peau. J’ai pas vérifié, mais lorsqu’on voit la mode sur le Tour : manche longue, grande chaussette, je me dis que ça ne doit pas aller moins vite.
Donc, je perds 30sec pour enfiler tout ça en espérant en gagner plein d’autres ensuite.
Pendant cet habillage un bénévole me tartine la nuque et les épaules de creme solaire, mais oubliera le bas de omoplate (d’où mon joli bronzage, meme une semaine apres).
Ici, à Hawaii, c’est quasiment 5000 bénévoles le jour de l’épreuve qui sont mobilisés, pour 2400 participants, je vous laisse faire le calcul. et le pire, c’est qu’il y a des listes d’attentes pour être bénévole, certains collectionnent les badges de chaque édition, l’un d’entre eux en a plus d’une trentaine.
Les businessman/women que vous êtes, calculeront certainement aussi que 5000 bénévoles + 2400 participants qui payent leur place et tout le reste, ça fait une belle cash machine, euh, dream machine je voulais dire. Ah, ils sont fort ces américains, et encore, je ne vous parle pas de la fondation ironman 😉 C’était la minute de lucidité.
Je démarre le vélo prudemment, cardio autour de 140, 250/260W NP environ. Je double, je double, mais en m’imposant un certain contrôle, hors de question de faire le fou ici. Au bout de 40km je double Anthony Philippe, une bonne référence pour moi. J’espère secrètement ne pas le revoir sur le marathon. A ce moment, le vent se lève, et tout devient beaucoup beaucoup plus dur. L’aéro ne suffit plus. Au demi tour à Hawi, je compte les coureurs, j’ai l’impression d’etre autour de la 300ieme place, mais déjà je sens que j’ai moins de force, je suis plutot vers 230W. Un avion me double alors dans la descente : Sam Guyde, toujours aussi magnifique à voir, puissant, bien posé. Il avait pris un carton juste avant et venait juste de repartir frais comme un gardon (le bougre : 4h43 (dont 5min de pena …)). Je reste avec lui pendant 3, 4km, puis je lâche, trop de watts pour tenir. A ce moment le vent latéral nous oblige à vraiment bien tenir son guidon et pédaler avec le vélo penché sur la droite pour compenser. Je continue à m’alimenter, c’est une barre par heure que j’ingurgite + de la boisson énergétique, mais l’Isotar des ravitos est vraiment dégueu. A se demander s’il ne faudrait pas envisager le ravito perso sur cette course. Certains pro le font bien.
Sur la fin du vélo, c’est à peine 200W que j’arrive à maintenir, pourtant, je remonte encore du monde comme Mathieu et Damien. Ils ont leur trifonction blanche de sel, je vois qu’ils sont secs. Tout le monde a souffert sur ce vélo. Je termine en 4h48, 67ieme temps scratch quand meme, j’aurai pas cru.
Lorsque je pose le vélo, il faut ensuite trottiner pied nu 300m sur la moquette. Je sens les jambes bien raides, le talon d’achille droit tout bloqué, je sens que ça ne veut pas dérouler et que le marathon va etre compliqué.
Run :
Un long calvaire en enfer sur l’ile du paradis
je prends le temps pour mettre de la vaseline entre les orteils (merci Chris), enfiler les chaussettes, les chaussures, casquette, lunette et je pars.
Je pars très prudemment dès le début, à peine 5’00/km (12kmh). Mais ça ne répond pas, meme à ces allures c’est lourd. Il faut plus de 34°C, pas de nuage, le soleil nous crame, avec 77° d’humidité, j’ai lu que c’est plus de 40°C ressenti)
Je comprends déjà qu’il ne sera pas possible de faire la course rêvée, sur chaque ravito je marche, je plonge mes 2 bras dans les poubelles de glace pour me refroidir.Je dois avouer que le coup des manchons de bras fonctionne plutot bien, cela garde la sensation de fraicheur plus longtemps, mais je n’ai vraiment pas l’énergie pour courir. Lorsque je passe la première boucle de 14km, je suis à peine à 10km.h de moyenne. Anthony Philippe m’a repris au bout de6 ou 7ieme km. Pas étonnant. J’encourage aussi Yann Rocheteau, et d’autres beaunois qui me passent. Du coup, je me prends 30sec pour m’arrêter au 15ieme, échanger avec ma famille, et repartir en courant accompagné de ma fille et du fils d’un copain. Moment sympathique de partage et d’encouragement.
Je monte Palani en marchant / trotinnant, puis marchant, comme beaucoup. je repars sous les encouragements du groupe d’allemand Hannes. Je partage alors mon chemin de croix avec d’autres français, et aussi Jeanne Collonge, que j’avais déposé à vélo, et qui finalement me reprend à pied. On partage 2km à discuter, mais la future maman baisse l’allure, et abrège, ce sera plus prudent, quant à moi, je continue en trotinnant.
Bref, c’est la galère, toujours pas un pêt d’ombre, à Energy Lab, on sent la chaleur qui monte depuis la route, et je croise bon nombre d’athletes n’ayant pas fiere allure. Quelle galère, pas question de bâcher, y’en a tellement qui rêverait juste de prendre le départ de cette course. Je continue à regarder tous ces paysages pour tout ceux la, c’est d’ailleurs à ce moment que j’apperçois Craig Alexander (3x vainqueur à Kona), à 7 ou 8 km de la fin, il m’encourage, « allez argon, allez la france » une tape dans la main, trop sympa. Le truc assez irréaliste, mais qui n’est pas improbable à Kona « Anything is Possible » ! Ca me redonner un peu d’énergie.
Finish line
Un bonheur partagé
J’arrive à 2km de la fin, Maelle, ma fille est là, elle part en courant à mes cotés et me donne le drapeau que j’avais apporté. Celui cousu main par mes amis la nuit avant Cozumel, je leur avais promis de l’apporter jusqu’à Kona. C’est chose faite, désormais on court avec Maelle sur Ali Drive, en tenant chacun un bout du drapeau, les spectateurs nous donnent plein d’énergie, allez la france, allez Paris, c’est génial, je la préviens qu’elle risque de se faire attraper par la sécuité, car je sais que c’est interdit, mais jusqu’ici tout va bien. Et à 200m de la ligne, lorsque le couloir se ressert, effectivement, un agent l’intercepte, je finirai tout seul, snif. Elle est récupérée par mes parents et moi je suis récupéré par des bénévoles. Les jambes qui flagèlent, enfin arrivé après 10h26 d’effort. et un marathon en 4h21. Un peu déçu de la perf, mais trop content d’avoir pu partager cette finish line, ça vaut bien tous les chronos du monde.
After race :
je retrouve les copains du team, je suis arrivé quelques minutes aprés Damien, Fred et Mathieu sont là également.
On reste là dans l’herbe à discuter, manger, et attendre d’être libéré pour récupérer nos vélos. Pas possible de joindre ma famille, qui attend, on n’arrive pas à se retrouver, c’est toujours un peu frustrant ces fins de courses qu’on ne peut pas partager facilement avec ses proches, surtout ici, lorsque les portables ne passent pas. (Ah, oui, il a fallu durant cette semaine réapprendre à s’organiser à l’ancienne … bon ok, le soir y’avait du WIFI, mais quand meme, c’est presque Koh-Lanta de s’organiser sans smartphone!)
Bref, finalement on se fait préter un téléphone, mon père vient nous récupérer et vers 21h30, tout le monde est revenu au bercaille.
Conclusion :
Le bilan est très positif.
- du partage : faire découvrir ce lieu magique à ma famille, vivre des super moments avec les autres membres de du team,
- des rencontres : échanger avec des athlètes, avec des pros, avec nos partenaires,
- du plaisir : terminer sur Ali Drive avec ma fille, nager dans le lagon avec mon père, rouler en file indienne avec le team sous l’objectif de sourbier, découvrir Oahu.
- Pour la performance, cette année, elle n’aura pas été au rendez vous.
Photo souvenir en famille
A la recherche de l’équilibre
C’est compliqué d’être à la fois, un papa, un fils, un team manager, un team member et accessoirement un athlète. Lorsque je prends du recul, ma meilleure perf date de 2013, ou je n’étais qu’un “simple athlète indépendant”. Mais je reste convaincu que réaliser la course parfaite est faisable et que c’est la force d’un groupe et de mon entourage qui me permettra d’y arriver.
Hawaii est et restera une course très difficile, avec une densité d’athlètes exceptionnelle, une course à l’autre bout du monde, une course d’un jour ou tout peut arriver.
L’autre conclusion, ou plutôt certitude c’est que Hawaii est un lieu vraiment magique, ennivrant. Un environnement où se mélange les éléments : le feu, l’air, l’eau, la terre. Le feu des volcans, la violence du vent, la force des courants, la puissance d’une nature luxuriante. Un environnement difficile, une destination lointaine et pourtant lorsqu’on n’y a gouté, on a qu’une seule envie … y retourner.
et quelques photos du shooting avec l’équipe et Thierry Sourbier