Comment suivre ses entraînements ? En ai-je trop fait, pas assez? Qu’est ce qui me fait progresser? Autant de réponses que d’individus :
- l’un dira, au feeling, « je ne note rien »
- un autre comptera ses heures
- un autre troisième ne jurera que par les kilomètres parcourus
- et d’autres encore feront des intégrales d’ordre 4 à partir des extractions des fichiers de puissance sur Golden Cheetah
Et quand vous savez que Cédric Fleureton (double vice- champion d’Europe de triathlon 2005-2006) appartenait à la première catégorie, autant dire tout suite qu’il n’y a pas qu’une seule méthode pour performer !
Sans prétendre détenir la vérité, je vais vous partager ma réflexion sur le sujet et les outils que j’utilise.
Agenda :
- Mesurer les volumes horaires, quelle utilité ?
- Aller plus loin avec la mesure les intensités et la fatigue
- L’échelle ESIE
- L’indice de fatique
- TSS Training score
- Conclusion, quels bénéfices?
Mesurer les volumes horaires, quelle utilité?
Depuis pas mal d’année, je suis les volumes en heures par discipline (nombre d’heures hebdo) . Cela permet de comparer des choux avec choux sur toutes mes pratiques sportives, et donne des tendances d’une saison à l’autre. Pour ce qui est des intensités, c’etait beaucoup au feeling. J’essaye de diversifier les types d’intensités (fortes / Moyenne) et d’éviter d’enchainer plusieurs jours d’affilé les memes types d’intensité (mêmes sur des sports différents – j’évite le 15×30/30 à pied le mardi suivi d’une séance de PMA à vélo le mercredi).
Globalement, je pense que même si tout n’est pas trop mesuré, je m’écoute pas mal et du coup ça fonctionne plutôt bien.
Outils de mesures
Pour mesurer et quantifier, j’ai utilisé jusqu’alors (2015) :
- Garmin connect pour suivre toutes mes séances et je rajoute manuellement les séances non enregistrées
- Un simple spreadsheet, dans lequel je report les totaux chaque semaine par discipline, c’est ce qui me permet de tracer ces graphiques :
Pour des analyses plus pointues sur la puissance, j’utilise Strava. Et pour les analyses des courses (les graphiques que je mets dans les comptes rendus), je pars des tableaux Garmin (split par 5km sur le bike ou split par 1km sur le run), et je les retraite en appliquant des moyennes. Cela donne par exemple :
La mesure des volumes horaires, permet déjà de quantifier les semaines chargées versus les semaines plus cool, et surtout de comparer d’un mois à l’autre, voire d’une année à l’autre, l’évolution des charges. Il est illusoire de vouloir passer à 20h/semaine si l’année d’avant on était à 11h/semaine. C’est en tout cas tres risqué (blessures). Personnellement, j’ai augmenté d’une à 2 heures les charges d’une année sur l’autre.
Mais augmenter les durées n’est pas nécessairement une garantie de progrès, il faut mieux pour cela augmenter les intensités, la qualité du travail réalisé, et peut-être ajouter des séances de récupération (donc des heures supplémentaires !) … bref, on voit bien les limites d’un suivi horaire seul.
Aller plus loin avec la mesure les intensités et la fatigue
Depuis cette année, 2015, je conseille quelques copains sur leurs entraînements et du coup, s’est posé à moi le problème de la mesure et de l’évaluation des efforts, des intensités, de la fatigue. En fait, je connais tellement mon corps, mes réactions, que je fonctionne très bien tout seul sans ces suivis. Mais lorsqu’on travaille avec un athlète, cela devient nécessaire de rationaliser, mesurer, suivre ces paramètres.
J’ai donc parcouru un peu le net, à la recherche de méthodes, d’indicateurs. Rendons tout d’abord à Cesar ce qui est Cesar, je me suis fortement inspiré des travaux de :
- Frédérique Grappe : Entraineur à la Française des jeux, conseiller à la FFC … entre autres! THE référence. Vous trouverez sur le net une multitude de présentation, d’article qu’il a publié. : http://www.fredericgrappe.com/
- Alain Roche : un coach sportif grenoblois, qui a eu le mérite de synthétiser, vulgariser et surtout partager beaucoup d’articles scientifiques : http://www.diet-sport-coach.com/
Présentation des concepts clefs :
Ci-après, quelques définitions ou concepts, appelez-les comme vous le voulez, qui permettent de mesurer, quantifier :
l’Echelle E.S.I.E. (lire : Echelle ESIE.pdf)
(Estimation Subjective de l’Intensité de l’Exercice) définie par Frédérique GRAPPE en 1999. Cette échelle graduée de I1 à I7, permet de qualifier l’intensité d’un effort.
A chaque niveau d’intensité correspond une perception de l’effort, il s’avère que l’athlète, en restant à l’écoute de son corps, fini par être plus précis que le cardiofrequencemètre pour identifier la zone dans laquelle il se trouve. C’est pour cela qu’on parle d’une « estimation subjective » et non pas de « mesure scientifique ».
Bien sûr, on arrive à faire corresponde à cette échelle des plages d’intensité cardiaque, mais aussi des allures en course à pied et des puissances à vélo.
Mais ces indications chiffrées ne doivent pas gommer la base même de cette échelle, “estimation subjective de l’intensité”, c’est donc l’athlète qui est le plus à même de savoir, de ressentir, de déterminer à quel niveau d’intensité il travaille. Les outils de mesure sont là pour l’aider à s’approprier et affiner ses perceptions.
On connait tous l’inertie du cardio par rapport à un changement d’intensité d’effort. Il est donc illusoire de vouloir se caller à I6 coute que coute à partir de son cardio. Par contre, faire un 400m à110% de VMA ou travailler à 405 Watts pendant 1min, cela fait du sens. … d’où l’intérêt des montres GPS et des capteurs de puissance … mais aussi d’où l’intérêt de bien se connaitre, car lorsque la technologie est en panne, il ne s’agit pas d’arrêter de pédaler ou de courir sous prétexte qu’on a plus de batterie !
Vous remarquerez que je ne parle très peu de natation, … ça reste bien moins point faible. Je connais 3 allures c’est tout : Entrainement / Course / et vitesse max … bref, promis un jour, je m’y mets !
Pour le bike et run, voici le tableau que j’utilise pour définir les relations entre VMA, PMA, cardio et intensités :
Lien : http://goo.gl/moGUWl (vous pouvez modifier les cellules blanches avec vos valeurs)
On pourrait me reprocher d’avoir un petit peu customisé les calcul de plages cardiaques, versus la version originale de Frédéric Grappe. C’est vrai!
En fait, je raisonne en % de réserve Cardiaque, et non en FC Max, ce qui me parait plus juste, par rapport à ce que j’observe. Mais Frédéric Grappe d’ailleurs apporte sur son site une réponse qui coupe court à tout débat (cf : http://www.fredericgrappe.com/?p=386).
Pour résumer, ces indications cardiaques ne sont là que pour aider le sportif à apprivoiser cette échelle. On peut donc calculer ça par la FC Max ou la FC de réserve si cela nous plait, mais une fois l’apprentissage fait, la fréquence cardiaque devient un paramètre résultant de l’effort fourni à telle intensité, et n’est donc plus le driver principal de l’effort. CQFD.
Quelques réflexions personnelles sur ces intensités :
- I1 : ça ne sert que pour la récup, ou aller ce promener avec son copain ou sa copine
- I2 : c’est là que doit se passer le gros du boulot, on y développe sa cylindrée
- I3 : C’est l’allure IM ou Half. Comme me l’a dit un copain, ça coute cher d’y rester et on ne développe pas grand chose à ces intensité, bref, à éviter!
- I4 : allure CD, allure 10km, on y bosse le seuil sans être défoncé
- I5 : la VMA ou PMA, on y développe le temps de soutien, ça commence à piquer !
- I6 : les allures de 200 ou 300m, éventuellement 4x400m, en vélo des hautes intensité sur 1min maxi. Bref, ça fait mal, ça brûle de partout, mais ça fait progresser. A consommer avec modération quand meme.
- I7 : sprint 10 ou 15sec , à ce qu’il parait c’est bien d’en faire, de grand marathonien bossent avec pas mal d’alactique … me concernant, je vous dirais ça le jour ou je testerai !
En phase de développement, je bosse plutot le I4, I6 avec toujours du I2 en ligne de fond, puis à l’approche d’un ironman, j’augmente les volumes par du I2, et mets des intensités I3 et I5.
- I3 pour se calibrer su r les allures cibles (oui oui, même si j’ai écrit plus haut « à éviter », il y a des exceptions)
- et I5 pour faire de l’intensité, sans pour autant faire des sprints des 200m sur lesquels il y a plus de risque de blessure. En vélo, j’appelle cela de la PMA longue.
L’indice de fatigue
Le moyen que j’ai retenu pour mesurer la fatigue c’est de noter 3 paramètres, tous les matins, sur une échelle de 1 à 10.
- Sensations : 1-Au top!_____3-OK ca va_____5-Variable_____8-Pas top_____10-Epuisé, pas le gout
- Humeur : 1-tres bonne humeur_____3-bien_____5-détendu_____8-stressé_____10-déprimé
- Sommeil : 1-Super_____3-normal_____5-pas assez_____8-trop peu_____10-horreur (pas fermé l’oeil de la nuit)
Ensuite, je fais la moyenne des 3, pour obtenir l’indice de fatigue. Concernant le sommeil, c’est à chacun de s’étalonner, la valeur 3 peut correspondre à 6 heures de sommeil chez petit dormeur, quand il faudrait 9 ou 10 pour d’autres individus.
Ce qui compte c’est la tendance et l’évolution de cet indicateur dans le temps. Lorsque les charges augmentent, il est normal que l’indicateur augmente, mais lorsqu’une période de récupération est planifiée, il est anormale si cela ne s’améliore pas.
TSS Training Stress Score
j’en arrive aux fameux TSS, définit par Dr Andy Coggan. Il s’est basé sur les valeurs de puissance du cycliste pour proposer une calcul visant à calculer la charge d’entrainement. Les logiciels comme Strava ou Training Peak calculent cela tout seul si vous avez une capteur de puissance.
Il y a des formules mathématiques assez complexes derrières, mais s’il fait retenir juste 2 ou 3 trucs :
- une valeur de 100 TSS, correspond au record de l’heure à vélo, 1 heure à fond. Bref, 100 c’est la valeur maxi qu’on peut atteindre en vélo en 1 heure.
- pour info, 1 heure à I2, rapporte environ 50 TSS, ensuite plus on augmente la puissance, plus les TSS grimpent (c’est proportionnel au produit de la puissance développée et de l’intensité de l’effort, bref c’est pas loin du carré de la puissance finalement)
- plus d’info ici
En triathlon, on travaille 3 sports, et on a pas tous un capteur de puissance ni des accéléromètre de partout pour calculer les TSS en course à pied et en natation. On sait aussi que 2 heures en vélo n’impactent pas l’organisme de la meme manière qu’une sortie de 2 heures à pied.
J’ai donc refais un calcul de TSS à ma sauce, je voulais un truc simple, accessible, compréhensible et qui s’affranchisse du cardio ou d’un capteur de puissance. Mais finalement, lorsque je compare aux résultats fournis par Strava, je ne suis pas si loin de la vérité!
Pour cela je collecte 3 infos assez simples à calculer :
- le temps total de la séance en minutes
- le temps passé en intensité moyenne I3/I4 en minutes
- le temps passé en haute intensité I5-I7 en minutes
Ainsi, pour une sortie cool d’une heure on indique : total = 60. Pour une séance de 50min avec du fractionné 2x 10 x 30/30, on indique : total = 50 et I5-I7 = 10. et pour un 8×1000 (all 4’00/km) sur la piste dans une séance de 1h15, on indique : total = 75 et I3/I4 = 32
C’est tout. Ensuite, il y a quelques formules qui se chargent du reste du calcul en appliquant les principes suivants :
- un facteur d’intensité accordé à chaque zone , (cf Echelle RPE (Foster) interprétée par F. Grappe)
- zone I1/I2 : facteur 1,5
- zone I3/I4 : facteur 3.5
- zone I5/I7 : facteur 10
- En fait je fais ici un raccourcis, car normalement chacune des 7 zones possède son propre facteur (de 2 à 10). Mais pour éviter de rendre la saisie trop complexe, j’ai simplifié avec 3 zones et j’ai revue un peu les coefficients pour une meilleure évaluation des séances
- un coefficient de normalisation tel que :
- 1 heure de cyclisme dans la zone I3/I4 rapporte une charge de 100 TSS
- 40 min de course à pied dans la zone I3/I4 rapporte une charge de 100 TSS .
- Et pour les autres sports (ski , muscu, natation) je prends le meme coefficient que la course à pied
- L’intensité de l’effort, exprimée en % . On compare le TSS de la séance avec le TSS d’une séance de même durée dont l’effort aurait été entièrement en I4.
Quelques exemples :
Sport | Durée total | Durée I3/I4 | Durée I5/I7 | Pondération | Formules | TSS | Intensité |
BIKECLM 1h | 60 | 60 | 1 | TSS =(60*3.5) /2.1 * 1I% =100TSS/ (60*3.5 /2.1 *1)* 100 | 100 | 100% | |
BIKE2h de sortie avec un peu d’intensité | 120 | 30 | 10 | 1 | TSS =(80*2 + 30*3.5 + 10*7) /2.1 * 1I% = 159 TSS/ (120*3.5 /2.1 *1) *100 | 159 | 79% |
RUN30min au seuil | 45 | 30 | 1.5 | TSS = (15*2 + 30*3.5)/ 2.1 * 1.5I% = 96 TSS / (45*3.5/2.1*1.5) * 100 | 96 | 86% | |
SWIM 1h30 cool | 90 | 1.5 | TSS = (90 *2) /2.1 * 1.5I% = 129TSS/(90*3.5 /2.1 * 1.5) *100 | 129 | 57% | ||
Conclusion, quels bénéfices?
Tout d’abord, comme je l’ai écrit, ces indicateurs m’ont paru indispensables pour bosser avec d’autres athlètes, quantifier les séances, connaitre leur fatigue, leur ressenti. Mais aussi leur donner une vision sur les charges à venir, donner des métriques de la visibilité et à travers tout ça, transmettre la confiance sur le chemin pris. Rien de pire qu’un chef scout qui a perdu la carte et qui ne sait pas lire une boussole, … et je ne vous raconte pas lorsqu’on a oublié l’ouvre boite pour ouvrir la boite de ravioli … ça rappelle des souvenirs, ça dérape … j’arrête !
Bon, et pour ma pomme, depuis que je travaille avec des indicateurs, le TSS, et l’échelle ESIE, je ne regarde plus mes semaines de la même manière. Ca donne plus de sens à chacune de mes séances. Cela permet de mieux accepter de faire des journées lights, parce que je viens d’enquiller plusieurs journées chargées. C’est bien connu, un des travers du triathlète c’est souvent de vouloir en faire trop !
Et concrètement, ça donne ressemble à quoi?
Allez, pour ceux qui auront lu jusqu’au bout 😉 je vous partage quelques screenshots de mon tableau de bord maison.
Ceux qui me connaissent ne seront pas étonnés de savoir que j’ai compilé toutes ces datas dans un joli spreadsheet (excel mode Google Drive …. simple accessible de partout (PC, smartphone, tablette ), gratuit, dans le cloud, bref, que du bon).
Je ne désespère pas que Garmin nous permette un jour d’avoir le meme rendu, mais pour l’instant j’ai pas trouvé mon bonheur.
Ci-dessous, quelques screenshot du résultat :
PS : et si vous avez des potes chez Garmin, vous pouvez leur demander de développer tout ça dans Garmin Connect? et si vous avez l’âme d’un webdeveloppeur et un peu de temps, contactez moi, j’ai de quoi vous occuper 😉